Avocats en droit criminel
17 Novembre 2025 | Source: Radio CanadaAu Canada, le débat sur la violence faite aux femmes prend de plus en plus d’ampleur, notamment en ce qui concerne le féminicide. Bien que ce terme soit reconnu dans le monde, il n’existe pas encore de définition officielle dans le Code criminel canadien. Cette lacune crée une confusion dans la manière dont la police et les organismes de surveillance des crimes collectent et analysent les données. Plusieurs intervenants, militants et chercheurs demandent désormais que le gouvernement fédéral comble cette lacune.
Le féminicide est défini par l’Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation comme « le meurtre de femmes et de filles lié au genre ou au sexe ». Cette définition s’appuie sur les recommandations de l’ONU, qui identifie dix indicateurs précis pour qualifier un crime de féminicide, comme :
les homicides commis par un partenaire intime ou un membre de la famille,
les violences sexuelles ayant contribué au crime ou
le harcèlement subi par la victime.
Cette approche permet de comprendre que ces meurtres ne sont pas simplement des homicides ordinaires : ils résultent souvent d’une dynamique de pouvoir et de contrôle, où l’agresseur croit avoir le droit de dicter la vie ou la mort de la femme.
Le manque de définition dans le Code criminel a des conséquences directes. Par exemple, certaines polices, comme celle de Kingston en Ontario, commencent seulement à utiliser le terme féminicide pour qualifier certains meurtres, souvent liés à la violence conjugale. Mais ailleurs, des services comme le Service de police de Toronto hésitent encore, car le terme n’a aucune incidence juridique sur les accusations portées. Cette incohérence empêche non seulement la collecte de statistiques précises, mais freine également la sensibilisation du public et la reconnaissance de ces crimes comme un problème social spécifique.
Les chiffres disponibles sont frappants. Depuis 2018, l’Observatoire canadien du féminicide a recensé 1014 féminicides, dont 187 l’année dernière seulement. Dans près de la moitié des cas, l’auteur présumé était un partenaire intime, et dans 28 % des situations, il s’agissait d’un membre de la famille. Seuls 6 % des auteurs étaient des inconnus. Ces données mettent en évidence la réalité troublante : la majorité des femmes tuées connaissent leur agresseur. Pourtant, sans une définition officielle, il est difficile de sensibiliser la société et de mettre en place des politiques publiques adaptées pour prévenir ces tragédies.
Les militantes et chercheuses comme Myrna Dawson et Marlene Ham insistent sur le fait qu’une définition officielle permettrait non seulement de clarifier le vocabulaire des forces de l’ordre, mais aussi de mieux orienter les politiques publiques et les programmes de prévention. Elles soulignent que les meurtres de femmes diffèrent de ceux des hommes par leur motivation et leur contexte, et qu’il est crucial de les reconnaître comme tels. Le gouvernement fédéral a promis d’agir, notamment en intégrant tout assassinat motivé par la haine, y compris un féminicide, dans les meurtres au premier degré constructif. Mais il reste urgent d’adopter une définition légale claire pour uniformiser la terminologie à travers le pays et améliorer la collecte de données.
Reconnaître officiellement le féminicide dans le Code criminel serait une étape majeure pour la justice et la sécurité des femmes au Canada. Cela permettrait aux forces de l’ordre de qualifier plus précisément les crimes, à Statistique Canada de mieux suivre les tendances, et au public de comprendre l’ampleur et la nature spécifique de ces violences. Mais surtout, cela enverrait un message fort : les meurtres motivés par le genre ne sont pas de simples homicides, ce sont des crimes profondément enracinés dans des dynamiques de pouvoir et de discrimination, qui exigent une réponse sociale et judiciaire à la hauteur.
Pour toute aide, consultez les avocats de Gauthier et Tousignant.
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