Une arrestation, que faire maintenant?22 Septembre 2020  |  Source: Réseau Juridique du Québec

Une arrestation, que faire maintenant?

Il est d'une grande importance pour l'accusé de dire à son avocat tout ce qui pourrait, de près ou de loin, avoir une relation avec les accusations portées contre lui ou avec les gens impliqués dans les procédures intentées. Souvent des informations qui peuvent sembler secondaires ou même sans importance aux yeux de l'accusé peuvent en réalité avoir un effet déterminant sur le résultat d'un procès. L'accusé n'a pas les connaissances nécessaires pour juger de cette pertinence et devrait s'en remettre à son avocat à cet effet. C'est à l'avocat que revient ce travail et c'est lui qui aura à décider des informations qui sont utiles et de celles qui ne le sont pas. Cependant, il ne pourra le faire adéquatement que dans la mesure où l'accusé lui aura fourni ces informations. Par ailleurs, l'avocat à qui le client a menti et qui prépare sa cause sur la base d'informations fausses sera pris par surprise au moment du procès (ou enquête préliminaire) et cela jouera de façon indéniable en défaveur du client qui aura transmis ces fausses informations.
Votre avocat n'est pas là pour vous juger mais pour vous défendre, peu importe la nature du crime reproché ou des accusations portées contre vous. Plusieurs personnes se posent la question de savoir comment un avocat peut défendre un "accusé qui est coupable" ? La réponse est simple. La notion de culpabilité est une question de droit et l'avocat ne défend jamais "une personne coupable" parce que tout accusé est innocent tant qu'il n'a pas été déclaré coupable par la Cour. Son rôle est de tenter de vous faire acquitter si cela est légalement possible et de s'assurer, si vous êtes éventuellement condamné, que toutes les règles auront été suivies et que tous vos droits auront été respectés.

Plainte et enquête

Avant l'arrestation

Généralement, une arrestation est précédée d'une plainte portée à la police par un citoyen qui est (ou se croit) victime d'une infraction criminelle ou encore qui est témoin d'une telle infraction. La plainte n'a rien de formel et peut aller du simple appel téléphonique au 911 à une plainte écrite (déclaration) faite au poste de police. Elle est parfois même anonyme. L'arrestation peut aussi découler des observations personnelles du policier sans qu'aucune plainte n'ait été portée à son attention. Par exemple, le policier qui observe une voiture zigzaguer et qui intervient auprès du conducteur pour vérifier si ce dernier est en état d'ébriété. Dans un tel cas, l'enquête qui mène à l'arrestation est de courte durée puisque le policier sera lui-même en mesure de constater s'il y a infraction ou non. Par contre, une enquête policière peut aussi se prolonger pendant des semaines, des mois, voire même des années. C'est souvent le cas lorsque des policiers tentent de colliger de la preuve afin de démanteler un réseau de trafiquants de drogue.

    Qu'est-ce qu'une arrestation ?

    Il peut être crucial, dans certains cas, de déterminer à quel moment précis s’est effectuée la mise en état d’arrestation. Pour cette raison, la jurisprudence reconnait qu’une arrestation commence à partir du moment où la liberté de l’individu est entravée. Le fait qu’un policier s’approche en vous distant que  « vous êtes en état d’arrestation » (détention) ne constitue pas nécessairement une arrestation, à moins que l’individu ne se soumette et suive l’agent qui procède à l’arrestation.

    Pouvoirs d'arrestation

    Le Code criminel prévoit qu'un agent de la paix peut, dans certaines circonstances déterminées, procéder à l'arrestation d'un individu. Nous reviendrons sur ces circonstances. Pour l'instant, il importe d'établir à qui on fait référence par "agent de la paix".

    Il existe effectivement différents types d'agents de la paix : certains possèdent des pouvoirs généraux d'arrestation tandis que d'autres voient ces pouvoirs restreints à certains champs d'activités ou certaines circonstances particulières.

    Qui est un agent de la paix ?

    Tous les policiers, peu importe le corps de police auquel ils appartiennent (municipal, provincial ou fédéral), sont des « agents de la paix » au sens de la loi. Sont aussi agents de la paix les agents du Service correctionnel fédéral ainsi que tout directeur de prison, tout gardien et tout autre employé qui travaille en permanence dans une prison provinciale. Les huissiers sont eux aussi des « agents de la paix », de même que toute personne employée à la signification ou à l'exécution de procédures judiciaires au civil. Les agents des douanes sont des « agents de la paix » mais leurs pouvoirs d'arrestation sont limités aux gestes qu'ils posent dans le cadre de leurs fonctions de douaniers. Une semblable limitation "dans l'exercice de leurs fonctions" s'applique aux garde-pêches qui sont, pour les fins de leur travail, des « agents de la paix ». Les pilotes d'avion de lignes aériennes canadiennes ou les pilotes d'avions privés immatriculés au Canada sont aussi des « agents de la paix » à bord de leur avion "pendant que l'avion est en vol". Enfin, certains militaires nommés en vertu de la Loi sur la défense nationale (L.R.C. (1985), ch. N-5) sont des « agents de la paix » à l'intérieur de certains paramètres établis par la loi et les règlements, par exemple sur une base militaire ou dans un MESS d'officiers.

    Il importe de noter qu'un agent de sécurité engagé par une entreprise privée comme une banque ou un grand magasin ne correspond à aucune des catégories qui précèdent et n'est donc pas un « agent de la paix » au sens du Code criminel.

      Types d'arrestation

      Il existe deux types d'arrestations prévues au Code criminel : l'arrestation effectuée par un citoyen ordinaire et celle qui est effectuée par un « agent de la paix ».

      Arrestation effectuée par un citoyen ordinaire

      Le Code criminel prévoit que "toute personne peut arrêter sans mandat (...) un individu qu'elle trouve en train de commettre un acte criminel" ou "un individu qui, d'après ce qu'elle croit pour des motifs raisonnables, (...) a commis une infraction criminelle [ET] est en train de fuir des personnes légalement autorisées à l'arrêter" lorsque ces dernières sont à sa poursuite immédiate. (art. 494 (1) C.cr.)

      Le propriétaire d'un bien peut lui aussi arrêter sans mandat une personne "qu'il trouve en train de commettre une infraction criminelle (...) concernant ce bien". (art. 494 (2) C.cr.).

      Dans ce cas, comme dans celui qui précède, le citoyen qui a effectué une telle arrestation sans mandat est cependant tenu de livrer aussitôt cette personne à un agent de la paix. Dans le cas contraire, une détention prolongée de la personne arrêtée risquerait de se transformer en séquestration (infraction criminelle).

      Sauf circonstances exceptionnelles, même si la loi le prévoit et l'autorise, il est peu recommandé à un citoyen ordinaire de procéder à de telles arrestations pour des raisons évidentes de sécurité.

      Notons que c'est en vertu de ce pouvoir du citoyen ordinaire d'effectuer une arrestation que fonctionnent légalement les agents de sécurité mentionnés plus haut, puisqu'ils ne sont pas des agents de la paix. Ils peuvent procéder à l'arrestation d'un voleur à l'étalage et peuvent le détenir jusqu'à l'arrivée des policiers sans crainte de poursuites civiles éventuelles en dommages et intérêts pour arrestation illégale. Ils sont cependant, eux aussi, soumis à l'obligation de communiquer sans délai avec un policier pour lui remettre la personne ainsi arrêtée.

      Arrestation par un agent de la paix

      Dans le cas de l'arrestation effectuée par un agent de la paix, le Code criminel prévoit deux situations possibles : l'arrestation sans mandat et l'arrestation autorisée par un mandat d'arrestation.

      L'arrestation sans mandat

      Le policier peut arrêter sans mandat une personne qui a commis un acte criminel ou qui, d'après ce que croit le policier pour des motifs raisonnables, est sur le point de commettre un acte criminel (art. 495 C.cr.).

      Le policier peut aussi arrêter sans mandat une personne contre laquelle, d’après ce qu’il croit pour des motifs raisonnables, un mandat d'arrestation a déjà été émis. C'est le cas, par exemple, d'un accusé qui devait se présenter à la Cour pour son procès ou son enquête préliminaire et qui a fait défaut d'être présent au tribunal. Le juge, dans ces circonstances, émet un mandat d'arrestation contre l'accusé absent. Si ce dernier est par la suite intercepté par un policier pour quelque raison que ce soit, par exemple parce qu'un feu arrière de son véhicule est défectueux, et que le policier découvre en vérifiant le permis de conduire qu'un mandat d'arrestation a été émis contre ce conducteur, il pourra et devra procéder sans délai à son arrestation et ce, même si cette personne n'était pas en train de commettre un acte criminel au moment de l'interception.

      Contrairement à ce que l'on croit, un policier qui veut arrêter un individu ayant commis une infraction mineure doit obtenir un mandat d'arrestation. La raison en est bien simple. La procédure d'émission des mandats d'arrestation implique l'intervention d'un juge de paix, laquelle constitue une protection du citoyen contre des arrestations arbitraires ou abusives de la part de la police. En présence d’une infraction mineure et à défaut d’avoir obtenu un mandat d’arrestation, le policier devra faire parvenir une sommation à l’individu arrêté.

      Les infractions mineures pour lesquelles le policier ne peut arrêter un individu sans mandat sont : le vol, le recel et la fraude de moins de cinq mille dollars, les infractions concernant les maisons de jeu, le pari, les loteries, les maisons de débauche, la conduite pendant interdiction, le bris de condition d'un engagement ou d'une probation, le trafic de marijuana d'une quantité ne dépassant pas trois (3) kilos. Dans tous ces cas, l'arrestation sans mandat est donc en principe prohibée.

      Les exceptions : cependant, le policier pourra tout de même procéder sans mandat à l'arrestation de la personne impliquée dans ce type d'infraction si son arrestation est nécessaire soit pour identifier cette personne, pour conserver une preuve ou pour empêcher que l'infraction se continue ou se répète ou enfin pour empêcher qu'une autre infraction soit commise. Dans chacun de ces cas, le policier doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'une ou plus d'une de ces conditions existent avant de pouvoir procéder à une arrestation sans mandat. S'il a des motifs raisonnables, le policier sera autorisé à procéder à l'arrestation sans mandat.

      Encore faut-il que ces motifs soient raisonnables, sans quoi le policier aura effectué une arrestation illégale avec toutes les conséquences qu'un tel geste peut comporter. À titre d'exemple, un policier ne pourrait pas arrêter sans mandat un individu qui aurait commis un vol à l'étalage de cent dollars. Cependant, si l'individu refuse de s'identifier au policier, ce dernier a alors des motifs raisonnables de croire qu'il est nécessaire d'effectuer l'arrestation de cette personne pour l'identifier. C'est un des cas prévus.

      Donc, si le policier procède à l'arrestation sans mandat pour une des raisons qui le permettent, il devra remettre la personne en liberté dès que possible en vue de lui faire signifier par la suite une sommation. Par exemple, une fois rendu au poste, le policier communique par téléphone avec les parents du prévenu qui avait refusé de s'identifier au départ et ces derniers confirment son adresse et son identité. Le policier devra le remettre en liberté. Par contre, si une des conditions qui a permis l'arrestation sans mandat persiste, le policier sera justifié de continuer à détenir la personne jusqu'à sa comparution en Cour.

      Au lieu d'une sommation, le policier peut aussi remettre sur place une citation à comparaitre à une personne ainsi arrêtée sans mandat. Mais si la raison pour laquelle la personne a été arrêtée sans mandat persiste - par exemple, l'individu continue de refuser de s'identifier une fois rendu au poste - alors le policier pourra décider de le garder détenu jusqu'à sa comparution devant un juge.

      L'arrestation avec mandat

      Un policier peut demander à un juge de paix l'émission d'un mandat d'arrestation contre un individu qui est soupçonné, pour des motifs raisonnables, d'avoir commis un acte criminel. Cette demande se fait au moyen d'une dénonciation écrite et donnée sous serment dans laquelle le policier explique quels sont les motifs raisonnables sur lesquels il se base pour demander l'émission du mandat d'arrestation. (Notons qu'en théorie une telle dénonciation peut être faite par quiconque.) La demande peut être faite en personne par l'agent de la paix ou par "un moyen de télécommunication qui peut rendre la communication sous forme écrite", par exemple une télécopie.

      Le juge de paix à qui une telle demande est faite doit examiner les allégations de la demande et doit émettre un mandat d'arrestation s'il estime "qu'on a démontré qu'il est justifié de le faire". Cette dernière phrase indique que c'est le juge de paix qui doit décider, à partir des informations qui lui sont soumises sous serment, s'il existe ou non des motifs raisonnables de croire que la personne dénoncée a commis un acte criminel. Le critère des motifs raisonnables, dans ce cas, est donc soumis à l'appréciation du juge de paix et non plus seulement à celle du policier. Par ailleurs, un juge de paix à qui un policier demande l'émission d'un mandat d'arrestation ne peut pas refuser d'émettre ce mandat uniquement parce que l'infraction reprochée en est une pour laquelle une personne peut être arrêtée sans mandat.

      Notons qu'une décision importante a été rendue le 22 mai 1997 par la Cour Suprême du Canada sur la question des arrestations dans une résidence privée (R c. Feeney). La décision était d'ailleurs suffisamment importante pour que la Cour en suspende l'application pour une période transitoire de six (6) mois à la demande du gouvernement fédéral. Avant l'expiration de ce délai, le gouvernement introduisait le 30 octobre 1997 le projet de loi C-16 modifiant le Code criminel. L'objet de cet amendement était de définir les règles dorénavant applicables aux arrestations dans les demeures privées. Ce projet de loi a été adopté par la Chambre des communes le 7 novembre 1997.

      Dans l'affaire Feeney, la Cour Suprême avait établi un ensemble de règles qui limitaient considérablement les pouvoirs d'arrestation des policiers dans des maisons privées et qui excluaient à toute fin pratique la possibilité pour un policier d'effectuer une arrestation sans mandat dans une résidence privée sauf en cas de poursuite ou en cas d'urgence. La Cour ne définissait d'ailleurs pas ce qui pouvait constituer un cas d'urgence. La loi C-16 établit donc les règles en la matière.

      Le principe de cet amendement veut qu'une arrestation dans une demeure privée se fasse au moyen d'un mandat d'arrestation émis par un juge de paix ou un juge. Le mandat peut être émis sur la foi d'une dénonciation écrite faite sous serment au juge de paix par un agent de la paix si le juge de paix est convaincu, sur la base des informations soumises, qu'il existe des motifs raisonnables de croire que la personne recherchée se trouve ou se trouvera à la résidence indiquée dans la demande. Le seul fait que les policiers sachent que l'endroit indiqué est la résidence de la personne recherchée ne sera donc pas suffisant en soi pour faire émettre un mandat d'arrestation. Il faudra en plus démontrer l'existence de motifs raisonnables de croire que la personne s'y trouve au moment de la demande ou s'y trouvera au moment de l'exécution du mandat. De plus, l'agent qui obtient un tel mandat doit, au moment d'entrer dans la demeure, continuer à avoir des motifs raisonnables de croire que la personne recherchée s'y trouve, à défaut de quoi il n'est pas autorisé à entrer. De ce point de vue, l'amendement ne fait que codifier la substance de la décision dans l'affaire Feeney.

      Dans le cas d'un individu qui est déjà recherché en vertu d'un mandat d'arrestation, ou si l'infraction pour laquelle l'individu doit être arrêté en est une pour laquelle la loi permet son arrestation sans mandat, la demande d'émission d'un mandat d'arrestation à être exécuté dans une maison privée pourra être faite sous serment au juge de paix verbalement par téléphone ou par un autre moyen de télécommunication.

      En vertu de l'amendement susmentionné, il est maintenant possible pour un agent de la paix d'arrêter un individu dans une demeure privée sans mandat dans les cas d'urgence prévus, en plus du cas de poursuite déjà couvert par l'arrêt Feeney. Pour faire une telle arrestation sans mandat, l'agent de la paix doit avoir des motifs raisonnables de croire que l'individu recherché se trouve à l'intérieur de la demeure concernée et que l'urgence de la situation rend l'obtention d'un mandat difficilement réalisable. Il est prévu qu'une telle urgence existe lorsque l'agent de la paix a des motifs raisonnables de "soupçonner" (et non de croire) qu'il est nécessaire de pénétrer dans la demeure pour éviter à une personne qui est à l'intérieur des lésions corporelles imminentes ou la mort. Le préambule de l'amendement mentionne à titre d'exemple d'une telle application les cas de violence familiale. La seconde situation d'urgence prévue est celle où un agent de la paix a des motifs raisonnables "de croire" à l'imminence de la destruction ou de la perte d'éléments de preuve relatifs à la perpétration d'un acte criminel.

      L'affaire Feeney établissait qu'un agent de la paix doit prévenir les occupants de sa présence avant d'entrer dans une résidence pour effectuer une arrestation et qu'il ne pouvait procéder qu'après avoir essuyé un refus d'ouvrir de la part des occupants. Cette exigence est toujours valable mais souffre maintenant d’exceptions. Ainsi, le juge de paix pourra passer outre à cette exigence et autoriser l'agent de la paix à entrer sans prévenir s'il existe des motifs raisonnables de croire que le fait de prévenir exposerait l'agent de la paix ou une autre personne à des lésions corporelles imminentes ou à la mort ou entrainerait la perte ou la destruction imminentes d'éléments de preuve. Ceci s'applique aux cas qui ne sont pas par ailleurs des cas d'urgence. De plus, même si le mandat émis par le juge de paix autorise le policier à entrer sans prévenir, ce dernier pourra effectivement entrer sans prévenir uniquement si les motifs raisonnables de "soupçonner" l'imminence de lésions corporelles ou la mort sont toujours présents au moment d'entrer. Il en va de même des motifs raisonnables de croire à la destruction ou à la perte imminente d'éléments de preuve. Ils doivent persister dans l'esprit du policier au moment d'entrer pour qu'il puisse s'exécuter sans prévenir.

      Dans les cas où l'arrestation sans mandat est permise, le policier qui procède sans mandat est soumis à la même obligation de prévenir sauf si les conditions d'exceptions qui précèdent existent.

      • Illustration: Vous marchez calmement sur le trottoir et vous apercevez un individu qui court dans votre direction à toute vitesse, poursuivi par deux policiers qui courent loin derrière lui. Fort de cette constatation, vous avez des motifs raisonnables de croire que l'individu a commis une infraction criminelle et tente de se sauver des policiers qui le poursuivent. Vous décidez de l'arrêter. Vous effectuez alors une arrestation légale sans mandat.

          Illustration: Vous voyez un individu qui donne un coup de pied sur la portière de votre voiture neuve et reprend sa route. Vous le rejoignez et le maitrisez en lui expliquant que vous êtes le propriétaire du véhicule qu'il vient d'endommager et que vous ne le laisserez pas partir tant que la police ne sera pas arrivée. À nouveau, vous avez effectué une arrestation légale sans mandat.

          Droits garantis par la Charte

          La Charte canadienne des droits et libertés prévoit que tout individu "a le droit, en cas d'arrestation ou de détention :

          • d'être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation ou de sa détention ;
          • d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat et d'être informé de ce droit ; "

          C'est à l'État, représenté par les forces de l'ordre à ce stade du processus, qu'il appartient de trouver la preuve nécessaire pour démontrer que l'accusé a commis l'acte qu'on lui reproche. L'accusé n'a pas à "aider" les autorités dans cette tâche par ses déclarations, ou autrement. Il a le droit strict de garder le silence et ne rien faire qui puisse aider la police à faire la preuve de l'acte reproché, ce qu’on appelle la protection contre l’auto-incrimination.

          C'est là un des principes fondamentaux de notre droit criminel : nul n'est tenu de s'incriminer lui-même. C'est d'ailleurs en application de ce principe qu'un accusé ne peut pas être forcé par la poursuite ou par le juge à témoigner dans sa propre cause. Seul l'accusé, au moment de son procès, peut décider s'il témoignera ou non. Dans les procès devant jury, si l'accusé ne témoigne pas, il est formellement interdit au juge ou à l'avocat de la poursuite de faire quelque allusion que ce soit au fait que l'accusé n'a pas témoigné pour attaquer sa crédibilité ou en tirer une inférence de culpabilité.

          Par contre, tout ce qu'un prévenu déclare à un policier au moment de son arrestation, ou par la suite, pourra servir de preuve à son procès. La meilleure preuve que l'autorité peut détenir contre un individu est sans aucun doute l'aveu de ce dernier à l'effet qu'il est l'auteur de l'acte reproché. Cependant, si le prévenu fait une déclaration à la police, elle ne peut être admise en preuve au procès à moins que la poursuite démontre le caractère volontaire de la déclaration, soit qu’elle a été faite par l'accusé sans qu'il y ait eu contrainte, menace ou promesse de la part des personnes en autorité qui ont reçu cette déclaration. En d'autres termes, la poursuite doit prouver que la déclaration a été faite librement et volontairement par l'accusé pour être autorisée par le juge de mettre en preuve la déclaration. Cette preuve du caractère libre et volontaire de toute déclaration attribuée à un accusé se fait lors d’un voir-dire. Dans le cas contraire, le juge la déclarera inadmissible en preuve, auquel cas le procès se poursuivra sans qu'aucun témoin ne puisse faire référence à l'existence de cette déclaration pas plus qu'à son contenu. Notons que dans les causes devant jury, le voir-dire se fait en l'absence du jury. C'est aussi pendant un voir-dire que l'accusé peut soulever le fait que ses droits constitutionnels n'ont pas été respectés.

          Le moment le plus important pour la protection contre l’auto-incrimination est celui de l'arrestation à cause du caractère dérangeant, envahissant et intimidant de cette procédure. Un policier qui procède à l'arrestation d'un citoyen, avec ou sans mandat, est donc tenu d'expliquer immédiatement à ce dernier les motifs de son arrestation et il doit aussi l’informer de son droit au silence et de son droit de consulter un avocat sans délai.

          Tous les corps policiers fournissent maintenant à leurs agents une petite carte sur laquelle se retrouve le texte que doit lire l'agent aux personnes qu'il arrête. Ce texte est préparé par des avocats spécialisés et couvre tous les aspects des droits du citoyen en cas d'arrestation.

          La mise en garde doit être faite par le policier dès le moment de l'arrestation. Le policier doit expliquer à la personne arrêtée qu'elle a le droit de garder le silence et que tout ce qu'elle dira pourra servir de preuve à son procès. Le policier doit aussi indiquer à la personne arrêtée qu'elle a le droit de communiquer sans délai avec l'avocat de son choix. Il doit de plus indiquer à la personne arrêtée que si elle ne connait pas d'avocat, elle peut communiquer avec un avocat d'un service de garde disponible en tout temps. Le policier doit de plus indiquer au prévenu que s'il n'a pas les moyens financiers de s'offrir les services d'un avocat, il peut quand même avoir recours au service de garde qui est gratuit.

          Si l'arrestation s'effectue dans un endroit où se trouve un appareil téléphonique, le policier devra en principe laisser la personne arrêtée communiquer avec un avocat dès ce moment-là, à partir de cet appareil et en toute confidentialité. Cependant, ces appels se font généralement à partir du poste de police. De plus, la communication avec l'avocat doit se faire dans des conditions de confidentialité étanches. Il a donc été établi par les tribunaux que la présence d'un policier à proximité du prévenu au moment où il parle à son avocat au téléphone constitue une négation de son droit de communiquer avec son avocat. Le prévenu, qui a besoin de conseils, doit pouvoir parler en toute liberté et en toute confiance avec son avocat sans crainte d'être écouté ou entendu par les policiers.  De nos jours, dans presque tous les postes de police, il y a un bureau fermé dans lequel se trouve un téléphone réservé aux personnes arrêtées pour communiquer avec leur avocat.

          Par ailleurs, la personne arrêtée a le droit de communiquer uniquement avec son avocat, elle ne peut communiquer avec personne d'autre. Ceci est une restriction à la liberté qui est facilement compréhensible dans le cadre d'une arrestation. Par exemple, si la personne arrêtée fait partie d'un réseau de trafiquants de drogue, le seul fait de son arrestation pourrait être une indication pour ses complices que le réseau a été découvert, ce qui pourrait mener à la destruction d'une partie de la drogue en possession du groupe. Pour ces raisons, c'est généralement le policier qui compose le numéro de téléphone de l'avocat et qui s'assure qu'il parle bien à un avocat avant de permettre au prévenu de prendre la communication.

          Éléments accessoires à l'arrestation

          Identification

          Légalement, une personne qui est en état d'arrestation n'est pas obligée de s'identifier et n’a pas l’obligation de répondre aux questions des policiers. Cette règle a cependant des conséquences pratiques désagréables et souffre d’une exception.

          L'exception : le conducteur d'un véhicule automobile est obligé de fournir au policier qui les demande les papiers d'immatriculation du véhicule, d'assurance et son permis de conduire. Le policier n'a pas à justifier sa demande face au conducteur. Cependant, cette obligation s'applique seulement au conducteur du véhicule, les passagers, eux, ne sont pas tenus de s'identifier au policier.

          Effets de la règle : même si légalement une personne n’est pas obligée de s'identifier à la police, en pratique, les conséquences d'un refus sont telles qu'il vaut mieux coopérer et s'identifier. En cas de refus, le policier sera justifié de détenir la personne pour établir son identité comme nous l'avons vu antérieurement. De plus, si la personne en état d'arrestation donne une fausse identification au policier, elle pourra être accusée d'avoir entravé le travail du policier en plus de toute autre accusation éventuelle. Il est donc préférable de s'identifier en cas d'arrestation lorsque le policier le demande.

          Résister à son arrestation

          Il va sans dire qu'un citoyen n'a pas le droit de résister à son arrestation, même s'il est convaincu que celle-ci est injustifiée et qu'elle constitue une erreur grave ou une atteinte déraisonnable à son honneur ou à sa réputation. Résister à son arrestation constitue une infraction criminelle. De plus, le policier qui fait face à une telle résistance a le droit d'avoir recours à la force nécessaire pour maitriser le prévenu. Sans mentionner le fait que ce type de résistance mène généralement à des accusations de voies de fait contre un agent de la paix, ce qui n'améliore en rien le sort de l'intéressé.

          Fouille consécutive à l'arrestation et usage de menottes

          Au moment de l'arrestation, le policier peut procéder à une fouille accessoire s’il croit, pour des motifs raisonnables, que sa propre sécurité ou celle d’autrui est menacée. Avant ou après la fouille, le policier a le droit de menotter l'individu qui est en état d'arrestation et de le conduire au poste ainsi menotté.

          Transport au poste

          C'est souvent au moment du transport au poste qu'un individu va faire des déclarations au policier qui l'a arrêté. D'où l'importance de ce qui a été dit plus haut concernant la mise en garde que le policier doit faire dès le moment de l'arrestation. Dans les cas où la personne arrêtée n'a pas communiqué avec un avocat avant le transport au poste, le policier n'a pas le droit d'interroger cette personne pendant le transport pour tenter de lui soutirer des informations concernant les actes reprochés.

          Poste et centre opérationnel

          Jusqu'à récemment, les policiers conduisaient les individus arrêtés au poste auquel le policier était rattaché. Cette pratique continue sans doute d'exister dans la plupart des municipalités du Québec. Cependant, depuis la réforme au sein de la police de la Communauté urbaine de Montréal et la création des postes de quartier et des Centres opérationnels (C.O.), cet environnement a complètement changé sur ce territoire. Les nouveaux postes de quartier sont plus petits que leurs prédécesseurs et ne possèdent plus de cellules. Ce sont les nouveaux Centres opérationnels qui sont maintenant munis de cellules et de facilités de détention. C'est aussi là que se retrouvent désormais les enquêteurs qui autrefois étaient rattachés à des postes de district. C'est donc dans ces Centres opérationnels que sont maintenant conduites les personnes arrêtées par les policiers. Il y a quatre Centres opérationnels pour l'ensemble du territoire de la Communauté urbaine de Montréal, les C.O. sud, nord, est et ouest. (Nous continuerons à utiliser l'expression "poste" pour les fins de notre exposé qui ne se limite pas à la Communauté urbaine de Montréal.)

          Une fois arrivé au poste, le policier entame la procédure d'écrou. Avant l'avènement des C.O., le policier indiquait dans un registre appelé Livre d'écrou, l'identification du prévenu, son adresse, l'heure de l'arrestation et celle de l'arrivée au poste. Cette pratique continue dans les postes situés à l'extérieur de Montréal cependant, toutes ces informations sont maintenant informatisées et entrées sur ordinateur dans les C.O. Pendant la procédure d'écrou, le prévenu est à nouveau fouillé et tous ses effets personnels sont placés dans une enveloppe appelée « Enveloppe du prisonnier ». Une liste des effets placés dans l'enveloppe du prisonnier est dressée sur l'enveloppe elle-même en présence du prévenu qui la signe une fois ses effets à l'intérieur et l'enveloppe est scellée devant lui. Cette enveloppe est ensuite gardée en lieu sûr et son contenu est remis au prévenu au moment de son départ, s'il est remis en liberté à partir du poste. Si le prévenu est gardé en détention, l'enveloppe sera transférée avec lui au moment opportun.

          Les vêtements comme la cravate, les lacets, et autres pièces qui pourraient servir à se mutiler sont aussi confisqués. L'appel à l'avocat se fait généralement immédiatement après la procédure d'écrou. Le prévenu est ensuite placé en cellule jusqu'à ce que l'enquêteur soit prêt à le rencontrer.

            Rencontre avec l'enquêteur

            L'enquêteur est un policier de grade supérieur (sergent détective) qui coordonne les activités reliées à une enquête policière et fait éventuellement le lien avec les procureurs de la poursuite. C'est lui qui décidera si le prévenu doit être gardé détenu ou s'il sera remis en liberté, et c'est lui qui fera la demande d'intenter des procédures.

            Une fois le prévenu en cellule, le ou un des policiers de l'arrestation rédige les rapports reliés à l'évènement, rapports qui sont éventuellement remis à l'enquêteur qui en prend connaissance avant de rencontrer le prévenu. L'enquêteur peut aussi faire venir des témoins au poste pour avoir leurs versions. Il peut aussi arriver que l'enquêteur demande un rapport verbal du ou des policiers qui n'ont pas encore rédigé leur rapport.

            La rencontre avec l'enquêteur a lieu dans un bureau d'interrogatoire en présence d'une tierce personne qui pourra agir comme témoin de la rencontre lors des procédures à la Cour, le cas échéant. Cette personne est généralement un autre enquêteur bien qu'elle puisse aussi être un simple policier en uniforme. L'enquêteur n'est pas tenu de rencontrer le détenu et il s'abstiendra en général de le faire s'il est persuadé que ce dernier refusera de lui faire quelque déclaration que ce soit. Il faut comprendre que les enquêteurs ont souvent affaire aux mêmes personnes ou à des personnes qu'ils connaissent de réputation.

            L'enquêteur ne doit pas commencer à interroger un prévenu qui n'a pas encore réussi à parler à son avocat. Il doit aussi s'assurer que le prévenu a bien compris les droits qui lui ont été expliqués par les policiers lors de son arrestation et il est prudent de refaire une nouvelle mise en garde au prévenu concernant son droit au silence avant de l'interroger. Il lui offrira à nouveau la possibilité de communiquer avec un avocat, le cas échéant. Après quoi, il peut procéder à l'interrogatoire du prévenu. Ce dernier a le droit de ne rien dire à l'enquêteur mais l'enquêteur a le droit de l'interroger pour tenter d'obtenir des informations de ce dernier. Il va sans dire qu'à partir du moment où le prévenu indique à l'enquêteur qu'il ne veut rien dire, sa présence dans la salle d'interrogatoire devrait être de très courte durée.

            Le rôle de l'enquêteur n'est pas d'aider le prévenu, mais de protéger la société contre les gens qui commettent des crimes et de tenter d'assembler les preuves susceptibles d'amener à une condamnation des auteurs de ces crimes. Lors de la rencontre, il est donc recommandé de ne rien dire à l'enquêteur, sauf son identité puisqu’il n'est pas là pour aider le prévenu. Par contre, si un individu décide de parler, il est important que ce qu'il dit soit la vérité. Les prévenus qui font de fausses déclarations à la police dans l'espoir "de s'en sortir" se rendent en général un bien mauvais service. Vaut donc mieux ne rien dire à la police que de faire de fausses déclarations dont la fausseté ressortira le plus souvent au moment du procès et, la plupart du temps, au plus grand détriment de l'accusé.

            Remise en liberté

            Si l'enquêteur décide de remettre l'individu en liberté, il peut lui demander de signer une promesse de comparaitre. La promesse est un formulaire rempli par l'enquêteur, ou par un officier du poste, qui indique essentiellement le nom et l'adresse du prévenu, la nature de l'accusation à être portée, la date et le lieu de la comparution et le fait qu'un mandat d'arrestation sera émis contre le prévenu s’il fait défaut de se présenter à la Cour pour sa comparution. La promesse indique aussi que le prévenu devra se présenter au lieu et à l'heure indiqués aux fins de la Loi sur l'identification des criminels pour la prise de ses empreintes digitales et de photos pour les dossiers de police. À cet effet, la promesse indique que le défaut de se présenter pour une telle identification au lieu et au temps fixés constitue une infraction criminelle.

            L'enquêteur peut aussi exiger que le prévenu prenne un engagement de respecter certaines conditions avant de le remettre en liberté, par exemple de ne pas communiquer directement ou indirectement avec la victime présumée. Cette pratique peu répandue il y a quelques années est de plus en plus utilisée par les enquêteurs.

            Une fois la promesse signée par le prévenu, on lui remet le contenu de l'enveloppe du prisonnier et l'individu arrêté est ensuite libre de quitter le poste. Si la personne arrêtée fait face à des accusations reliées à l'écriture, par exemple la confection d'un faux document, cette personne devrait communiquer à nouveau avec son avocat avant de signer quoi que ce soit, y compris une promesse de comparaitre ou même l'enveloppe du prisonnier, puisque sa signature apposée sur ces documents pourrait être utilisée pour des fins d'analyse et de comparaison d'écritures avec le document possiblement contrefait. Dans un tel cas, l'avocat sera en mesure de discuter avec l'enquêteur et voir à ce que la remise en liberté de son client se fasse sans que ce dernier n'ait à fournir une preuve incriminante à la police, soit sa signature. Par ailleurs, si l'enquêteur décide de ne pas remettre le prévenu en liberté, cette décision est sans appel et il est inutile d'insister auprès de son avocat pour qu'il intervienne à ce stade du processus car l'avocat n'y peut strictement rien.

            Détention à la demande de l'enquêteur

            Si l'enquêteur décide de ne pas remettre le prévenu en liberté, ce dernier sera éventuellement conduit à la Cour pour comparaitre mais il devra, avant de quitter le poste, se soumettre à la procédure de bertillonnage, soit la prise d'empreintes digitales et de photos. Cette séance de bertillonnage est prévue par la Loi sur l'identification des criminels et le prévenu est tenu de s'y soumettre. Par contre, il n'est pas tenu de se soumettre à une parade d'identification puisque les Cours ont établi que c'était là une façon d'utiliser le prévenu pour s'auto-incriminer.

            Toute personne arrêtée qui doit comparaitre détenue, peu importe l'heure de son arrestation, passera donc obligatoirement au moins une nuit en cellule puisque le transport des détenus vers le Palais de Justice se fait au cours de qui suit l'arrestation. Si la personne détenue doit comparaitre à la Cour Municipale de Montréal, sa comparution aura généralement lieu vers la fin de l'avant-midi. Quant aux personnes arrêtées et détenues par la Sûreté du Québec, elles sont d’abord acheminées vers le Centre de détention de Rivière-des-Prairies pour ensuite être conduites au Palais de Justice pour leur comparution. Si la personne détenue doit comparaitre au Palais de justice de Québec, sa comparution aura lieu en salle 2.22 et généralement, vers 14h30, sauf le weekend (samedi 11h00 am).

            Une fois rendu au centre de détention, le prévenu peut communiquer par téléphone avec qui il veut. Un système particulier aux centres de détention permet à un détenu de faire des appels locaux à frais virés pour communiquer avec son avocat, sa famille ou ses proches. Ce système a été conçu pour permettre aux détenus de téléphoner librement sans pour autant avoir en leur possession des pièces de monnaie normalement nécessaires pour loger un appel à partir d'un téléphone public.

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